Quelle ne fut pas ma stupeur lorsque, cliquant sur mon petit onglet "Mr Tambourine Man", je vis, affiché en dernier article paru, un sujet sur... le Nord. LE NORD ! Cette région méconnue où, paraît-il, le climat y est froid, les habitants sont rigolos mais ont le visage noirci par le charbon, présentant une démarche peu assurée, grimaçant (à moins que ce ne soit pas un rictus, mais leur expression faciale naturelle), parlant un langage incompréhensible et se regroupant tous les étés sur les plages au sable durci par des eaux froides et hostiles, faisant ainsi face aux embruns gelés de "La Mer du Nord" (rien que ce nom, ça donne envie pas vrai ?). Un film, à caractère documentaire serait même paru sur cette population. La Marche de l'empereur je crois... Comment ça non ? Des petits êtres noirs, patauds, sur des plages froides et tristes... je ne vois que ce film ! Un film plus moche ? Sur le Nord ? OK... le réalisateur a voulu la jouer réaliste.
Bon je crache sur Bienvenue chez les ch'tis, mais je ne l'ai pas vu. Donc je ne le critiquerai pas, sauf sur les quelques extraits visionnés. (Et puis ya Kad dedans, et pour moi ce type est intouchable depuis qu'il a incarné vanitas de la bitas, un uruguayen jouant de la guitare de manière...phallique dirais-je, ponctuant ses phrasés par des "hoy ! Los couillos !" du plus bel effet, lors du Samedi Soir En Direct de Canal il y a quelques années. Mémorable !).
Je vais plutôt exposer MA vision du Nord. Qui se rapproche fortement de celle de notre tambourine man. Mais en pire.
Car moi aussi je suis bien placé pour parler ruralité. Habitant un petit village proche du hameau où Myrdd' fomente un complot international contre aïeuh@#*d*/d- où Myrdd' réside donc (hé oui tout le monde se connaît dans les villages, si on parle on peut facilement se retrouver les pieds coulés dans la fosse à purin la plus proche), depuis mes 3 ans (avant j'étais trop petit pour me souvenir, c'était juste un village voisin tout aussi minable d'après mes souvenirs) j’ai eu le temps d'observer les coutumes locales...
Oui, le mot "local" prend tout son sens dans un village de l'avesnois (imaginez- vous l'image d'Epinal que vous avez du nord : les corons délabrés, les habitants pauvres et alcooliques. Enlevez les corons, ajoutez-y des vaches et des haies. Bienvenue dans l’Avesnois). La poste ou l'épicerie à 15mn en voiture, les chemins de terre parfois traversés par un chasseur aviné cherchant où est le lièvre sur lequel il a tiré (à moins que ce ne soit son épagneul breton), les villes fantômes où les usines ferment, ou plutôt sont déjà fermées... Pas étonnant que les jeunes en âge de fuir (comme votre serviteur) le fassent. D'ailleurs les chiffres parlent d'eux même; ainsi dans mon village qui, je l'espère, est TOUT sauf la vitrine de la France moderne, la démographie est la suivante : 80% de vieux qui moisissent dans la maison bâtie en 1794 par l'arrière grand oncle du grand père de mamie Raymonde ; 15% de personnes "actives" devant faire 30mn de route minimum pour trouver un job de femme de ménage en ville ; 5% de plus ou moins jeunes, et encore ce chiffre baisse en raison de l'exode massif sponsorisé par les universités (pour ceux qui ont passé le brevet et le Bac, et croyez moi nous ne sommes pas si nombreux), ou encore par la mort des malchanceux (accident de mobylette) ou des plus faibles (méningite,grippe, j'en passe et des meilleures). Je ne truque aucunement les chiffres ni les détails, CQFD.
Bref c'est donc un survivant qui témoigne. Alors certes le Nord, ce n'est pas le Bhoutan. Il y a des moyens de communication, des technologies, des clubs de foot, et... c'est à peu près tout (ah si, ya Myrdd' et son blog quand même ^^). Seulement voilà le constat est triste: que sait-on du Nord ? Aspects positifs, négatifs ? Doit-on se fier aux témoignages de deux jeunes insoumis à la chtimitude ambiante ? Je vais donc essayer d'être objectif. Et parler des clichés que l'on rencontre dans le nord.
Tout d'abord le climat. AAHHH le climat du nord, c'est la pluie de bienvenue chez les ch'tis sur fond de Jacques Brel, c'est la pluie battante dont la seule rivale est sa cousine bretonne, c'est le nez qui coule même en août, ça sent bon le poêle à charbon derrière les briques rouges où 3 marmots tous boueux se blottissent pour regarder les dessins animés de TF1 sur la vieille télé Grundig modèle 1985... Hé bien c'est un des rares clichés justifiés... Au Nord, l'herbe y est verte parce qu'arrosée, les vents balaient les forêts de chênes, les gens y enfilent leur pull en laine après 17h même en Mai... Fait froid dans le Nord. Mais pas un froid de canard non plus. Car c'est là que le bât blesse (même s'il blesse avec plaisir concernant ce cas précis) : si la grisaille fait partie intégrante du paysage (regardez un peu les tableaux de certains maîtres flamands si vous voulez une illustration correcte), les hivers y sont tout de même assez doux, et parfois ont se prend à sourire (de ces sourires narquois et vengeurs qui montrent l'orgueil si longtemps mis en berne du nordiste) lorsque des images d'inondations survenues un peu partout en France (et chez le voisin de la Somme souvent) viennent mouiller le téléviseur du café où tout le monde profite d'un Soleil radieux, permettant à la populace d'exposer ses Tshirts aux marques de bières diverses et autres messages biloutesques, usés par les mites et sentant le renfermé (bah oui c'est le nord, on le sort pas souvent le maillot manches courtes quand même).
Mais dans l'ensemble, oui on se les gèle quand on prend la route (à pieds) un matin de janvier lillois où la glace reste sur les bords de la fontaine décorant la place principale, la pharmacie du coin affichant un chaleureux « -3°C ». Hiver somme toute assez doux mais qui peut surprendre le non initié. Et ce climat y a permis l'essor pendant 20ans d'une des fiertés de la région : Le Kway.
Car voilà un autre cliché, véhiculé par notre sosie local du Prince Charles, notre Prince de la bêti- du divertissement populaire/liste. Les gens du nord, c'est bien connu, ils ont tous un Kway dans lequel on étouffe, et avec lequel on garde la banane même si on se fait renverser par la première voiture venue (quoique me faire écraser par Kad, je signe ! [Voir plus haut]).
Alors tout d'abord, précisons que le Kway a vraiment été un outil de propagande pour les offices de tourisme du coin "avec un bon Kway, vous pouvez aller à la pêche ou sur les brocantes du coin, vous risquez rien contre la pluie !". Cette entreprise représentait pas mal d'emplois, et finalement, quand on y pense, si les grandes marques de sport n'avaient pas mis leur grain de sel dans le commerce de vêtements de pluie, ça marcherait toujours... car oui le Kway c'était quelque chose. Certes le Kway est parfois (souvent) (tout le temps en fait) inconfortable, et croyez-en un digne représentant de cette génération de gosses qui ont connu l'époque début 90s où la mode était aux vêtements mode "spontex" qu'on portait pendant l’été (et ses traditionnelles kermesses) et qui dès l'automne se voyaient affublés de pulls en laine et d'infâmes cagoules qui grattaient comme la varicelle. Vous voyez tous ce que je veux dire quand je parle de ces cagoules. Alors imaginez qu'en plus on vous habille avec un manteau qui fait TOUJOURS une taille de moins ou de plus que la votre, qui fait du bruit de papier froissé lorsque l'on bouge les bras, et dont la fermeture éclair était plus difficile à ouvrir qu'un sas de sous marin russe. Et dont la capuche, une fois sortie de son repli, était trop épaisse pour être rentrée. Voilà. Vous cernez bien l'image ? Alors dites vous que cette machine infernale a été (est ?) la fierté du Nord. C'est dire si le textile était mal en point dans les 60s dans ma région.
Mais je suis médisant. Car le wéka comme dirait l'autre remplissait sa fonction avec honneur : vas-t'en être trempé avec ton Kway. Et lors d'un match de foot où tous les visiteurs du Sud se retrouvent dans leurs infâmes capotes en plastique, les supporters locaux, eux affichent fièrement leur vêtement de pluie, trempé dehors, sec à l'intérieur, mi jtemmerde jsuis au sec ! De plus, avec le recul, je me dis que les mamans ont du bénir ce vêtement qui n'était pas excessivement cher (bon c'était pas donné mais il y avait des démarques, on sautait sur l'occase), était résistant et symbole d'une certaine égalité sociale (impression trompeuse, le rang social ne s'affichant pas sur la marque mais sur la couleur : si t'as le Kway rouge pétant, alors ta mère a trop attendu pour qu'il en reste des noirs sobres et passe partout, elle a sûrement perdu du temps à compter les allocs, tu es donc un pauvre ! « bouh il est pauvreuh -bah toi aussi - oui mais moi j'ai un kway bleu euh »). Le Kway, un pas en arrière pour le style vestimentaire, un pas en avant pour la réduction de l’espace occupé par les pulls trempés dans la salle de bain !
Quittons un peu ces considérations vestimentaires pour aborder un autre cliché sur le Nord. L’idée reçue qui veut que les gars du nord soient de vrais prolos, des communistes comme on en fait plus, qui chantent l’internationale en pissant contre le mur du bistrot local. Des rouges on vous dit ! Du rouge sur le nez, dans le verre, et dans les urnes, aurait pu chanter notre ami belge Jacques Brel. Là aussi, c’est tout faux.
Les chtis ne sont pas des gauchistes ; ce sont des mécontents. Et des mécontents qui votent pour l’extrême à la mode, gauche ou droite. La preuve, comme le notait judicieusement myrdd’, le FN arrive régulièrement à faire des scores plus qu’honorables dans la région, avec une tendance plus prononcée dans le Nord que dans le Pas de Calais toutefois. Quand on parle de naufrage du FN aux municipales, la seule ville où les caméras sont braquées est Hénin Beaumont (Pas de Calais pourtant), où Marine Le Pen affiche un score souvent très positif.
Hé oui, il est bien loin le temps où Fourmies faisait figure de martyr ouvrier pour le 1er Mai. Maintenant les grèves et autres manifs suivent une tendance à la baisse, comme partout ailleurs. Les gens de la région, en bons occidentaux, ont tellement de crédits sur le dos qu’ils n’ont pas intérêt à risquer leur travail (s’ils en ont un) pour quelques maigres revendications. La philosophie alors, c’est « Une fois rien, c’est rien ; deux fois rien, ce n’est pas beaucoup ; mais pour trois fois rien, on peut déjà s’acheter quelque chose, et pour pas cher. » (Raymond Devos). On ne compte plus sa richesse en euros, mais en nombre de crédits, et donc en quelque sorte sur l’argent que l’on ne possède pas.
Quand au racisme, il n’y est pas plus présent qu’ailleurs… La région a été bâtie le siècle dernier sur 3 générations d’immigrés (polonais, italiens, arabes, etc. etc., beaucoup d’origines diverses) et malheureusement, comme partout ailleurs en France, on a fait miroiter des beaux paysages à cette main d’œuvre docile pour finalement les parquer dans des banlieues qu’on laisse pourrir depuis 40 ans, avec les problèmes classiques (chômage, violence…). Alors le nordiste de base, quand il voit de chez lui dans sa petite maison en campagne qu’on a agressé une jeune fille à Tourcoing, soit à environ 80km de son village, il se dit « des racailles tout ça, Le Pen il a raison » alors qu’il n’a jamais mis les pieds dans cette ville. La peur de ce qu’on ne connaît pas. Classique. Et quand il sort, il découvre que les jeunes du village qui ont picolé la nuit ont cassé des canettes de bière dans son jardin. « Encore dla racaille, on est envahi ».
Il est de plus étonnant que la subvention de 600 000 euros attribuée par la région pour la réalisation et la promotion du film Bienvenue chez les Ch’tis a été votée par le PS et… le FN. D’autant plus paradoxal lorsque l’on entend Le Pen critiquer le film plébiscité par ce qui représente pourtant une majeure partie de son électorat. Toutefois, il est vrai que dans sa critique du film (qui vise surtout à éviter de disparaître du paysage politique français) il soulève sans le vouloir une interrogation : comment une région qui ces dernières années penche vers l’extrême droite plébiscite-t-elle un comique dont le vrai nom est Daniel Hamidou et qui ne fait comme il est noté dans l’article qu’une caricature du patois local ? Dany Boon, un bon ptit gars d’chez nous ? Il est au Nord ce que le curling est aux Jeux Olympiques d’hiver : une vaste blague, un truc qui survit sans vraiment savoir si les gens regardent parce qu’ils trouvent ça bien ou parce qu’ils sont fascinés par l’aspect folklorique, surréaliste et surtout totalement vain d’une telle activité.
Tout ça pour dire que le Nord traditionnellement à gauche, en constante revendication sociale, c’est du vent, modèle disparu depuis 40ans. Et quand dans des élections municipales la gauche passe encore, ce n’est pas pour lancer un message au gouvernement. Comme cité plus haut, ici même au plus haut niveau c’est le local qui prime, le candidat on se fout pas mal qu’il soit communiste, parti des travailleurs, ou de l’amicale des amateurs de plumes d’autruche dans le cul. La preuve, à Lille cracher sur la gueule de Martine Aubry est un sport praticable/pratiqué par tous, et pourtant elle a été largement réélue. Un lillois interrogé par La Voix du Nord explique simplement : « l’autre on le connaît pas ». Dany Boon se présenterait aux présidentielles, il triompherait dans la région même s’il annonçait la création de camps de concentration pour ceux ayant l’élocution claire et les oreilles de taille raisonnable.
Mais cessons les considérations politiques vaines et inintéressantes pour aborder une étude plus profonde de la population locale. En effet, c’est quoi un ch’ti ? A quoi ressemble t’il vraiment ?
Il est vrai que le manque de glamour de la région est impressionnant. Parce qu’il faut la voir l’affiche de Bienvenue chez les ch’tis, et que jte fais une grimace de gorille arriéré donnant l’impression que le héros a un oursin dans le trou de balle, la casquette de travers soit parce qu’il est trop bête pour bien la visser, soit parce que son visage déformé ne permet pas à un couvre chef quelconque de rester stable. Cette vision du chti tout moche aussi déformé que son langage a même son porte drapeau : Franck Ribery. Un type qui, même s’il n’a pas eu de chance pour avoir une telle gueule, cultive, oui il CULTIVE son look de freak digne d’un Barnum boulonnais! Et côté actrice c’est pas fameux non plus. Point d’Emmanuelle Béart, nous on a Yolande Moreau et Line Renaud. Vachement sex. A croire que faute de pouvoir donner des coups de pioches au fond des mines, les papas nordistes en usent leurs pioches sur la face de leurs enfants.
Outre l’aspect vestimentaire largement évoqué précédemment, le chti possède également 20 ans de retard dans d’autres domaines de son mode de vie. Hé oui, les tapisseries 70s qui piquent aux yeux comme on peut en voir dans les sketches des deschiens, ça existe encore ici, vous ne pouvez pas imaginer combien de jackys tunent leur 205 turbo, le vieux tracteur Renaud comme on n’en voit que dans le Champ Dolan avec Jean Yanne, c’est pas en Bretagne qu’on en trouve, c’est dans le Nord. Il n’est pas rare de voir sortir de sa 4L un petit vieux en pantoufles, pull rouge effiloché, pantalon aux motifs pied de poule et casquette à petite visière comme dans les choristes, pour aller gueuler sur les jeunes qui jouent au foot alors que lui il va boire son Ricard au bistrot miteux du coin « et si vous me bousillez un carreau j’appelle les flics ! ». Le joyeux drille gentil et généreux du Nord existe mais il doit difficilement supporter la cohabitation avec de tels spécimens. Et je précise aussi que dans le Nord Pas de Calais, on n’a pas attendu la Tektonik pour réactualiser la coupe mulet.
Mais si se moquer du physique est vil et mesquin (votre serviteur est né dans le Nord, donc il a lui aussi eu son lot de coups de pioche dans la gueule), il est toutefois, à mon avis, bien plus légitime de descendre cette aberration linguistique qu’est le ch’ti. Ce langage, qui n’a à mes yeux d’utilité que lorsqu’on est trop ivre pour articuler correctement (Nord => alcoolisme => Ch’ti … tout s’explique ?), est déjà très désagréable à l’oreille car souvent aboyé de manière bruyante et tout sauf gracieuse ; mais de plus il n’a aucun intérêt ! Quand on voit Line Renaud beugler billoute sur les marches à Cannes, tout le monde sourit. Imaginez maintenant 2 secondes la traduction littéraire : Mamie « je sais pas parler chti mais comme jsuis du Nord personne me le dit » qui gueulerait « hé ptite bitte ! » devant une foule beaucoup moins souriante je pense… Hé oui, c’est comme les langues étrangères, on peut se faire traiter de violeur de pécari que ça ferait marer si c’est dit avec l’accent. En attendant, même les guignols jugent ça drôle, apparemment, de faire dire à De Niro « cho à ti qeuch coze ! ». Pour parler chti, manger des chips, se boucher le nez et claquer de la langue tout les trois mots en postillonnant sur son interlocuteur, c’est bien connu.
Mais c’est avec réjouissance que si je vois l’accent faire fureur dans l’hexagone, j’observe en même temps une forte perte de vitesse du ch’timi chez les jeunes régionaux. Oh bien sûr il existe quelques irréductibles dont l’étiquette « beauf » n’attend que le survêtement Umbro RCL pour être définitivement collée. Mais en général, afficher ne serait-ce qu’une pointe d’accent est synonyme de mise au ban du clan estudiantin.
Alors souvent de nouveaux chtis patriotes, les résistants de 1944 quoi, me reprochent ma haine (oui je suis assez « rageux » si vous ne l’avez pas encore remarqué ^^) contre ce qu’ils considèrent comme « un vrai patrimoine, une identité ». Le ch’ti ? Un patrimoine ? Ce n’est même pas une langue comme le breton ou, à moindre mesure, le picard, c’est un patois ! Une sorte de vieux français à la sauce des Flandres. Personne ne réclame le retour au vieux français paysan du XVIIème siècle non ? Alors pourquoi s’évertuer à vouloir sauvegarder le Ch’ti ? Car si l’argot a su montrer son utilité, son inventivité, et s’imposer dans la culture populaire comme un langage « normal », le Ch’ti lui n’est basé que sur une maîtrise plus ou moins douteuse de l’accent du coin dès le plus jeune âge (exemple : manière de dire « hein ? »). Et est donc par définition inaccessible pour quelqu’un qui n’a pas eu la (mal)chance de naître à Denain, Béthune, Maubeuge, Lens, Etc. Etc. ...
La langue française a déjà des difficultés à s’imposer sur son propre sol, alors un tel plébiscite du « parler mal, de manière vulgaire et incompréhensible» me semble une insulte aux efforts des défenseurs de la langue de Molière. D’autant plus que ces derniers temps, la part belle est faite aux analphabètes locaux… Dany Boon fait fureur en faisant du Coluche sans le texte (il se contente de reprendre les onomatopées incompréhensibles du clown préféré des français, sans pour autant glisser un quelconque trait d’humour dans ses textes, car bien sûr il n’a pas le talent de Michel Colucci ; Là encore on sourit de ce qu’on ne comprend pas), alors que le Nord (bon OK la Belgique aussi, mais Mouscron c’est la frontière) peut se targuer de posséder dans ses ressortissant un humoriste qui, s’il n’est plus parmi nous, a pourtant pour moi sa place au panthéon de l’humour français, par sa maîtrise travaillée et surprenante des mots : Raymond Devos. Comment une région qui aura vu un tel talent faire sa gloire par ses jeux de mots justes et fins peut-elle soutenir un pitre dont le galimatias ne peut être compris que par une bande de lémuriens autistes ? Et les exemples de célébrités mises en avant malgré leur évident manque d’intérêt, de fiertés régionales qui partout ailleurs verraient leurs noms maudits sur 6 générations et dont les familles se verraient vivre dans l’opprobre, des gens comme Ribery ou Line Renaud, sont considérées ici comme des symboles du Nord fier de sa « babache-itude ». Désespérant.
Le champion proposé par le Nord aux présidentielles 2007 : Frédéric Nihous. Un département qui a vu naître l’un des plus grands (physiquement aussi d’ailleurs) orateurs de toute l’Histoire de France (Charles de Gaulle) s’est ainsi retrouvé avec, comme candidat vedette, un type paumé qui se balade en cuissardes, avec son fusil, et qui sans ce brave Gérard Shivardi aurait été la risée de la campagne présidentielle. Encore un pas en avant pour la reconnaissance du Nord en tant que vivier d’intellectuels progressistes. De toutes façons, venant d’un secteur où l’intégration des jeunes ne se fait pas par l’école mais par le sport (si le nombre de sportifs français venant de la région est impressionnant, d’autant plus frappant est la ferveur avec laquelle ils se font passer pour de gros bourrins), il ne faut pas attendre de miracles.
Dans la culture populaire, le Nord c’est aussi très souvent celui qui nous fout la honte. Quelques moments de gloire bien sûr dans le coin et les départements environnants (Bouvines, Valmy, les taxis de la Marne, Etc. Etc. …), mais c’est aussi des Azincourt, les bourgeois de Calais humiliés, l’invasion allemande de 1914…. Bref on pue la défaite et quand on évoque les branlées et autres humiliations infligées à l’orgueil national, c’est souvent à cause de ces blaireaux, au Nord, qui ramassent sur la gueule et en redemandent. Et je ne m’étendrai guère sur les crises industrielles, si ce n’est le fait que les premières grandes grèves dans la région, au XIXème siècle, ont marqué l’histoire, et plus récemment, du plan Jeanneney à MetalEurop, un demi siècle de crises qui font tâche sur un bilan national déjà peu flatteur économiquement parlant.
Il est loin le temps des mineurs qui risquaient leur peau (catastrophe de Courrières avec plus de 1000 victimes, si ça c’est pas du plan social efficace) pour une assiette de soupe. Aujourd’hui quand on parle des mines, c’est Germinal, le livre et le film (le dernier film, pas vu le plus ancien), Depardieu qui sort à moitié couvert de charbon de sa baignoire/bassine pour forniquer joyeusement avec Miou Miou tout ça sous les yeux du petit dernier (pédophiles, chômeurs, consanguins, on connaît le topo) avant d’aller enterrer le benjamin pris dans le grisou pendant que pépé crache ses molards anthracites dans la bassine en fer. Mais là au moins point de faux ch’ti boonesque. Du prolo, du vrai, du Jean-Roger Milo plus vrai que nature dans le rôle de Chaval. On se verrait presque dans une berline tirée par un cheval à moitié fou et aveugle depuis sa descente en galerie.
Mais cela ne change rien, même si on sait que c’est fini tout ça, cela n’empêche personne de chanter « au Nord, c’étaient les corons »…
Alors certes je parais très négatif sur une région qui après tout a ses charmes. On peut skier dans le Nord (sur des terrils réaménagés, on n’y gagne rien sauf de se brûler sur la piste synthétique mais c’est rigolo on peut se dire « les jackass c’est des pédés, z’ont jamais tenté la grande piste de Nœuds les Mines »), on fait la fête entre jeunes, ya les Marcel et son Orchestre et Didier Super, de beaux musées sont facilement accessibles (La Piscine à Roubaix par exemple), la drogue y est moins chère qu’ailleurs (véridique, c’est l’observatoire français des drogues et toxicomanie qui le dit ; sûrement la proximité avec les Pays-Bas et l’Angleterre…), des initiatives sont prises au niveau culturel (la venue de Metallica et Radiohead à Arras cet été, quand même, c’est énorme une telle affiche sur les terres de Raoul de Goderwaersvelde !), et Lille est une ville vraiment sympa pour les étudiant(e)s…
Mais ce soudain « buzz » autour du 59-62 m’apparaît comme déplacé, car je ne vois aucune bonne raison pour que ma région soit ainsi célébrée. Le Nord, c’est aussi un département qui ne pourra peut être plus dans 2 ans assurer le financement du transport en bus des lycéens, alors qu’en parallèle le Conseil Régional dépense un peu plus de 50 000 euros pour concevoir (pas changer, seulement concevoir !) un nouveau logo… Alors la solidarité entre les gens du Nord, 59-62 tous ensemble, blablabla, pour moi c’est plus un fantasme tiré d’une chanson d’Enrico Macias.
Si vous voulez une vraie image du Nord en chanson, préférez un bon vieux « Renaud Cante El’ Nord », garanti 0% je surfe sur Bienvenue Chez Les Ch’tis (l’album date de 1993) et bien plus modeste dans l’ambition car ne cherchant qu’à exposer un folklore sans en faire une propagande éhontée. Puis à l’époque il jouait dans Germinal, alors même si (je me répète) je n’ai pas vu Bienvenue chez les Ch’tis, j’estime qu’un film tiré d’un classique de la littérature française avec Depardieu, Renaud, Jean Carmet, Miou Miou, Laurent Terzieff, Yolande Moreau, Jean-Roger Milo, et j’en oublie beaucoup d’autres, ça a quand même plus de gueule que Dany Boon et ses histoires de facteur (encore un message ça, le facteur = Besancenot = Communiste = cliché évoqué précédemment). Depardieu, Terzieff et Carmet dans le même film ! Pour une fois honneur est fait à la région, on n’utilise pas des routiers recrutés après que le réalisateur ait intercepté une conversation ci bi entre milou62 et dédé59 et trouvé ces voix « pittoresques, parfaitement en accord avec l’environnement du tournage ».
Car l’image que je me fais de ma région, ce qui fait (ou plutôt faisait) son charme à mes yeux (mais mon opinion est insignifiante et n’engage que moi), c’est justement une certaine modestie qui montrait clairement la noblesse de cœur des gens du Nord. C’est une région qui a un passé TRES riche, qui a alterné périodes de gloire et de crise sans jamais faire étal d’une arrogance qui ne lui ressemble pas. Contrairement à la Loire ou à la Bourgogne qui se servent d’un patrimoine acquis lors d’une période prospère (Renaissance, Moyen Âge) pour se forger une identité assez vide de substance, le Nord de la France, qui ne peut pas pourtant mettre en avant ses monuments (les beffrois…mouais comparé à Chambord ou Chenonceau je trouve ça assez minable) ni ses paysages (comme la Corse peut le faire), peut par contre se vanter d’avoir été au centre de diverses révolutions (culturelle, artistique, industrielle…) et d’être un des lieux de France Métropolitaine où le brassage multiculturel a été le plus important (et le plus bénéfique). Et pourtant point de vantardise, point d’orgueil emprunt de nostalgie poussiéreuse, et basé sur des châteaux dépouillés de leur splendeur depuis 1789.
Ma région, c’est un peu comme ce parent éloigné de la famille qui a vécu un destin extraordinaire mais qui n’a su surmonter une épreuve difficile, trop difficile, l’épreuve de trop après tant d’obstacles surmontés et de succès remportés, et qui après cet échec s’est laissé allé à un désarroi teinté d’amertume, vivant un marasme implacable mais derrière lequel on remarque une certaine fierté, cachée par pudeur. On n’invite guère plus cette personne que pour les grandes occasions, pour parler de son destin hors du commun ; mais quand cette occasion de susciter l’intérêt de la famille se présente, alors elle parle de sa splendeur passée avec une telle maladresse, vante ses mérites avec une telle banalité (voire vulgarité) qu’elle ne sait finalement que provoquer des sourires qui, sous couvert de sympathie, ne sont que le reflet d’une attitude condescendante vis-à-vis de ce symbole vivant de la déchéance d’un modèle qui, comme les valeurs qui l’accompagnaient, n’a pas su passer au chapitre suivant.
Ce qui se passe actuellement en est un exemple criant : il y a encore un an, tout le monde s’en foutait du Nord, et c’était bien comme ça, on avait l’habitude. Mais depuis 2 mois, c’est la fête, on parle de nous, c’est le moment ou jamais ! Et qu’on étale un patois de pacotille (et light) pour l’occasion, du merchandising au bon goût made in 59-62 (des Tshirts à l’effigie de la fricadelle, quoi de plus chic ?), bref on met les ptites bittes dans les grandes (maintenant on utilise biloute pour tout et n’importe quoi, un peu comme le mot « schtroumpf », donc j’utilise à ma manière la traduction littérale de biloute à n’importe quelle occasion) pour montrer qu’au Nord on a pas de pétrole mais on a des idées. Et quoi de mieux pour célébrer la fierté régionale si longtemps honteusement reniée que d’organiser une gigantesque fête à Lille le Vendredi 30 Mai ? A l’affiche, c’est showtime, Boon bien sûr, mais aussi les Marcel et… Les Magic System. Qu’est-ce qu’ils viennent foutre ici, ceux-là ? Ils sont aussi ch’tis que Bob Marley était Corse.
Bref comme mon image du parent éloigné, le Nord veut faire le beau, ça part d’une bonne intention, mais c’est contre nature. C’est comme le vilain petit canard, il est touchant non pas quand il essaie de faire le beau mais quand il est pareil à lui-même, solitaire et mélancolique, rejeté par les autres. Essayer de l’intégrer, c’est se rendre compte que finalement il est mignon mais un peu con, chiant, comme les jakovasaures dans South Park (hé ya de la culture quand même :D ).
Je conclurai en m’inspirant de ce qu’un des membres de Naughty by Nature disait à propos du ghetto (de la culture, jvous dis ^^):
“If you ain't ever been to the ghetto
Don't ever come to the ghetto
'Cause you ain't understand the ghetto”
Alors si vous n’êtes jamais venus dans le Nord, n’y venez pas, parce que… parce que… Hum. Vous vous feriez chier.
Nan je blague J viendez bien sûr, viendez vite, mais abandonnez toute idée de chtimitude ostentatoire, ça serait aussi ridicule que d’aller en écosse avec un kilt et les cheveux teints en roux.
Le Nord Pas de Calais, c’est comme les comédies pouet pouet franchouillardes : ce n’est que quand on en est blasé qu’on peut en discerner clairement ses défauts et ses qualités.
Votre Guide touristique non convaincu de ses propres dires
Lamarmotteinfernale